Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/330

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quefois anglaise, quelquefois italienne. Il y a là tant soit peu d’injustice. Car l’imitation est le vertige des esprits souples et brillants, et souvent même une preuve de supériorité. À des instincts de peintre tout à fait remarquables M. Ricard unit une connaissance très-vaste de l’histoire de son art, un esprit critique plein de finesse, et il n’y a pas un seul ouvrage de lui où toutes ces qualités ne se fassent deviner. Autrefois il faisait peut-être ses modèles trop jolis ; encore dois-je dire que dans les portraits dont je parle le défaut en question a pu être exigé par le modèle ; mais la partie virile et noble de son esprit a bien vite prévalu. Il a vraiment une intelligence toujours apte à peindre l’âme qui pose devant lui. Ainsi le portrait de cette vieille dame, où l’âge n’est pas lâchement dissimulé, révèle tout de suite un caractère reposé, une douceur et une charité qui appellent la confiance. La simplicité de regard et d’attitude s’accorde heureusement avec cette couleur chaude et mollement dorée qui me semble faite pour traduire les douces pensées du soir. Voulez-vous reconnaître l’énergie dans la jeunesse, la grâce dans la santé, la candeur dans une physionomie frémissante de vie, considérez le portrait de Mlle L. J. Voilà certes un vrai et grand portrait. Il est certain qu’un beau modèle, s’il ne donne pas du talent, ajoute du moins un charme au talent. Mais combien peu de peintres pourraient rendre, par une exécution mieux appropriée, la solidité d’une nature opulente et pure, et le ciel si profond de cet œil avec sa large étoile de