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Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/351

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son inspiration au passé, j’y verrais un motif d’éloge plutôt que de critique ; il n’est pas donné à tout le monde d’imiter ce qui est grand, et quand ces imitations sont le fait d’un jeune homme, qui a naturellement un grand espace de vie ouvert devant lui, c’est bien plutôt pour la critique une raison d’espérance que de défiance.

Quel diable d’homme que M. Clésinger ! Tout ce qu’on peut dire de plus beau sur son compte, c’est qu’à voir cette facile production d’œuvres si diverses on devine une intelligence ou plutôt un tempérament toujours en éveil, un homme qui a l’amour de la sculpture dans le ventre. Vous admirez un morceau merveilleusement réussi ; mais tel autre morceau dépare complètement la statue. Voilà une figure d’un jet élancé et enthousiasmant ; mais voici des draperies qui, voulant paraître légères, sont tubulées et tortillées comme du macaroni. M. Clésinger attrape quelquefois le mouvement, il n’obtient jamais l’élégance complète. La beauté de style et de caractère qu’on a tant louée dans ses bustes de dames romaines n’est pas décidée ni parfaite. On dirait que souvent, dans son ardeur précipitée de travail, il oublie des muscles et néglige le mouvement si précieux du modelé. Je ne veux pas parler de ses malheureuses Saphos, je sais que maintes fois il a fait beaucoup mieux ; mais même dans ses statues les mieux réussies, un œil exercé est affligé par cette méthode abréviative qui donne aux membres et au visage humain ce fini et ce poli banal de la cire