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Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/362

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trer, mais d’expliquer le plaisir subtil contenu dans cette figurine, à peu près comme un lecteur soigneux barbouille de crayon les marges de son livre :


Fière, autant qu’un vivant, de sa noble stature,
Avec son gros bouquet, son mouchoir et ses gants
Elle a la nonchalance et la désinvolture
D’une coquette maigre aux airs

Vit-on jamais au bal une taille plus mince ?
Sa robe, exagérée en sa royale ampleur,
S’écroule abondamment sur un pied sec que pince
Un soulier pomponné joli comme une fleur.

La ruche qui se joue au bord des clavicules,
Comme un ruisseau lascif qui se frotte au rocher,
Défend pudiquement des lazzi ridicules
Les funèbres appas qu’elle tient à cacher.

Ses yeux profonds sont faits de vide et de ténèbres,
Et son crâne, de fleurs artistement coiffé,
Oscille mollement sur ses frêles vertèbres,
Ô charme du néant follement attifé !

Aucuns t’appelleront une caricature,
Qui ne comprennent pas, amants ivres de chair,
L’élégance sans nom de l’humaine armature !
Tu réponds, grand squelette, à mon goût le plus cher !

Viens-tu troubler, avec ta puissante grimace,
La fête de la vie… ?

Je crois, mon cher, que nous pouvons nous arrêter ici ; je citerais de nouveaux échantillons que je n’y pourrais trouver que de nouvelles preuves superflues à