Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/381

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Melmoth se croyant toujours près de se débarrasser de son pacte infernal, espérant sans cesse troquer ce pouvoir surhumain, qui fait son malheur, contre la conscience pure d’un ignorant qui lui fait envie. — Le rire des enfants est comme un épanouissement de fleur. C’est la joie de recevoir, la joie de respirer, la joie de s’ouvrir, la joie de contempler, de vivre, de grandir. C’est une joie de plante. Aussi, généralement, est-ce plutôt le sourire, quelque chose d’analogue au balancement de queue des chiens ou au ronron des chats. Et pourtant, remarquez bien que si le rire des enfants diffère encore des expressions du contentement animal, c’est que ce rire n’est pas tout à fait exempt d’ambition, ainsi qu’il convient à des bouts d’hommes, c’est-à-dire à des Satans en herbe.

Il y a un cas où la question est plus compliquée. C’est le rire de l’homme, mais rire vrai, rire violent, à l’aspect d’objets qui ne sont pas un signe de faiblesse ou de malheur chez ses semblables. Il est facile de deviner que je veux parler du rire causé par le grotesque. Les créations fabuleuses, les êtres dont la raison, la légitimation ne peut pas être tirée du code du sens commun, excitent souvent en nous une hilarité folle, excessive, et qui se traduit en des déchirements et des pâmoisons interminables. Il est évident qu’il faut distinguer, et qu’il y a là un degré de plus. Le comique est, au point de vue artistique, une imitation ; le grotesque, une création. Le comique est une imitation mêlée d’une certaine faculté créatrice, c’est-