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Pigal. Les premières œuvres de Pigal remontent assez haut, et Carle Vernet vécut très-longtemps. Mais l’on peut dire souvent que deux contemporains représentent deux époques distinctes, fussent-ils même assez rapprochés par l’âge. Cet amusant et doux caricaturiste n’envoie-t-il pas encore à nos expositions annuelles de petits tableaux d’un comique innocent que M. Biard doit trouver bien faible ? C’est le caractère et non l’âge qui décide. Ainsi Pigal est-il tout autre chose que Carle Vernet. Sa manière sert de transition entre la caricature telle que la concevait celui-ci et la caricature plus moderne de Charlet, par exemple, dont j’aurai à parler tout à l’heure. Charlet, qui est de la même époque que Pigal, est l’objet d’une observation analogue : le mot moderne s’applique à la manière et non au temps. Les scènes populaires de Pigal sont bonnes. Ce n’est pas que l’originalité en soit très-vive, ni même le dessin très-comique. Pigal est un comique modéré, mais le sentiment de ses compositions est bon et juste. Ce sont des vérités vulgaires, mais des vérités. La plupart de ses tableaux ont été pris sur nature. Il s’est servi d’un procédé simple et modeste : il a regardé, il a écouté, puis il a raconté. Généralement il y a une grande bonhomie et une certaine innocence dans toutes ses compositions : presque toujours des hommes du peuple, des dictons populaires, des ivrognes, des scènes de ménage, et particulièrement une prédilection involontaire pour les types vieux. Aussi, ressemblant en cela à beaucoup d’autres caricaturistes, Pigal ne sait pas