Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/401

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rebours. Les grossières naïvetés que Charlet prête à ses conscrits sont tournées avec une certaine gentillesse qui leur fait honneur et les rend intéressants. Cela sent les vaudevilles où les paysans font les pataqu’est-ce les plus touchants et les plus spirituels. Ce sont des cœurs d’ange avec l’esprit d’une académie, sauf les liaisons. Montrer le paysan tel qu’il est, c’est une fantaisie inutile de Balzac ; peindre rigoureusement les abominations du cœur de l’homme, cela est bon pour Hogarth, esprit taquin et hypocondriaque ; montrer au naturel les vices du soldat, ah ! quelle cruauté ! cela pourrait le décourager. C’est ainsi que le célèbre Charlet entend la caricature.

Relativement au calotin, c’est le même sentiment qui dirige notre partial artiste. Il ne s’agit pas de peindre, de dessiner d’une manière originale les laideurs morales de la sacristie ; il faut plaire au soldat-laboureur : le soldat-laboureur mangeait du jésuite. Dans les arts, il ne s’agit que de plaire, comme disent les bourgeois.

Goya, lui aussi, s’est attaqué à la gent monastique. Je présume qu’il n’aimait pas les moines, car il les a faits bien laids ; mais qu’ils sont beaux dans leur laideur et triomphants dans leur crasse et leur crapule monacales ! Ici l’art domine, l’art purificateur comme le feu ; là, la servilité qui corrompt l’art. Comparez maintenant l’artiste avec le courtisan : ici de superbes dessins, là un prêche voltairien.

On a beaucoup parlé des gamins de Charlet, ces