Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bras, s’écrie : « Elsa, je t’aime ! » Il y a là une beauté de dialogue comme il s’en trouve fréquemment dans les drames de Wagner, toute trempée de magie primitive, toute grandie par le sentiment idéal, et dont la solennité ne diminue en rien la grâce naturelle.

L’innocence d’Elsa est proclamée par la victoire de Lohengrin ; la magicienne Ortrude et Frédéric, deux méchants intéressés à la condamnation d’Elsa, parviennent à exciter en elle la curiosité féminine, à flétrir sa joie par le doute, et l’obsèdent maintenant jusqu’à ce qu’elle viole son serment et exige de son époux l’aveu de son origine. Le doute a tué la foi, et la foi disparue emporte avec elle le bonheur. Lohengrin punit par la mort Frédéric d’un guet-apens que celui-ci lui a tendu, et devant le roi, les guerriers et le peuple assemblés, déclare enfin sa véritable origine : « … Quiconque est choisi pour servir le Graal est aussitôt revêtu d’une puissance surnaturelle ; même celui qui est envoyé par lui dans une terre lointaine, chargé de la mission de défendre le droit de la vertu, n’est pas dépouillé de sa force sacrée autant que reste inconnue sa qualité de chevalier du Graal ; mais telle est la nature de cette vertu du Saint-Graal, que, dévoilée, elle fuit aussitôt les regards profanes ; c’est pourquoi vous ne devez concevoir nul doute sur son chevalier ; s’il est reconnu par vous, il lui faut vous quitter sur-le-champ. Ecoutez maintenant comment il récompense la question interdite ! Je vous ai été envoyé par le Graal ; mon père, Parcival, porte sa couronne ; moi,