Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/262

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ticulier, se soient montrés sympathiques pour un musicien qui se fait gloire d’être poëte et dramaturge. De même les écrivains du xviiie siècle avaient acclamé les ouvrages de Gluck, et je ne puis m’empêcher de voir que les personnes qui manifestent le plus de répulsion pour les ouvrages de Wagner montrent aussi une antipathie décidée à l’égard de son précurseur.

Enfin le succès ou l’insuccès de Tannhäuser ne peut absolument rien prouver, ni même déterminer une quantité quelconque de chances favorables ou défavorables dans l’avenir. Tannhäuser, en supposant qu’il fût un ouvrage détestable, aurait pu monter aux nues. En le supposant parfait, il pourrait révolter. La question, dans le fait, la question de la réformation de l’opéra n’est pas vidée, et la bataille continuera ; apaisée, elle recommencera. J’entendais dire récemment que si Wagner obtenait par son drame un éclatant succès, ce serait un accident purement individuel, et que sa méthode n’aurait aucune influence ultérieure sur les destinées et les transformations du drame lyrique. Je me crois autorisé, par l’étude du passé, c’est-à-dire de l’éternel, à préjuger l’absolu contraire, à savoir qu’un échec complet ne détruit en aucune façon la possibilité de tentatives nouvelles dans le même sens, et que dans un avenir très-rapproché on pourrait bien voir non pas seulement des auteurs nouveaux, mais même des hommes anciennement accrédités, profiter, dans une mesure quelconque, des idées émises par Wagner,