honneur, il avait manifesté cette énergie soudaine, éruptive, qui caractérise une littérature tout à fait opposée, et il a pu dès lors concevoir sa pleine destinée ; il a pu comprendre quelle intime connexion existait entre lui et la littérature romantique ; car, sans manquer de respect à nos impitoyables classiques, je crois qu’un grand comédien comme Rouvière peut désirer d’autres langues à traduire, d’autres passions à mimer. Il portera ailleurs ses passions d’interprète, il s’enivrera d’une autre atmosphère, il rêvera, il désirera plus d’animalité et plus de spiritualité ; il attendra, s’il le faut. Douloureuse solidarité ! lacunes qui ne se correspondent pas ! Tantôt le poëte cherche son comédien, comme le peintre son graveur ; tantôt le comédien soupire après son poëte !
M. Bocage, homme économe et prudent, homme égalitaire d’ailleurs, se garda bien de rengager Rouvière ; et ici commence l’abominable épopée du comédien errant. Rouvière courait et vagabondait ; — la province et l’étranger, exaspérantes consolations pour celui qui rêve toujours de ses juges naturels, et qui attend comme des envoyés les types vivifiants des poëtes !
Rouvière revint à Paris et joua sur le théâtre de Saint-Germain le Hamlet de MM. Dumas et Meurice. Dumas avait communiqué le manuscrit à Rouvière, et celui-ci s’était tellement passionné pour le rôle, qu’il proposa de monter l’ouvrage à Saint-Germain avec la petite troupe qui s’y trouvait. Ce fut un beau succès