pas absolument détourné le sien de sa voie naturelle. Personne n’a dit, en termes plus doux et plus pénétrants, les petites joies et les grandes douleurs des petites gens. Le recueil de ses chansons représente tout un petit monde où l’homme fait entendre plus de soupirs que de cris de gaieté, et où la nature, dont notre poëte sent admirablement l’immortelle fraîcheur, semble avoir mission de consoler, d’apaiser, de dorloter le pauvre et l’abandonné.
Tout ce qui appartient à la classe des sentiments
doux et tendres est exprimé par lui avec un accent
rajeuni, renouvelé par la sincérité du sentiment. Mais
au sentiment de la tendresse, de la charité universelle,
il ajoute un genre d’esprit contemplatif qui jusque-là
était resté étranger à la chanson française. La contemplation
de l’immortelle beauté des choses se mêle sans
cesse, dans ses petits poëmes, au chagrin causé par la
sottise et la pauvreté de l’homme. Il possède, sans s’en
douter, un certain turn of pensiveness, qui le rapproche
des meilleurs poëtes didactiques anglais. La galanterie
elle-même (car il y a de la galanterie, et même d’une
espèce raffinée, dans ce chantre des rusticités) porte
dans ses vers un caractère pensif et attendri. Dans
mainte composition il a montré, par des accents plutôt
soudains que savamment modulés, combien il était
sensible à la grâce éternelle qui coule des lèvres et du
regard de la femme :
- La nature a filé sa grâce
- Du plus pur fil de ses fuseaux !