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avec leurs affaires, le fantastique réel de la vie est singulièrement émoussé. M. G. l’absorbe sans cesse ; il en a la mémoire et les yeux pleins.



V

L’ART MNÉMONIQUE


Ce mot barbarie, qui est venu peut-être trop souvent sous ma plume, pourrait induire quelques personnes à croire qu’il s’agit ici de quelques dessins informes que l’imagination seule du spectateur sait transformer en choses parfaites. Ce serait mal me comprendre. Je veux parler d’une barbarie inévitable, synthétique, enfantine, qui reste souvent visible dans un art parfait (mexicaine, égyptienne ou ninivite), et qui dérive du besoin de voir les choses grandement, de les considérer surtout dans l’effet de leur ensemble. Il n’est pas superflu d’observer ici que beaucoup de gens ont accusé de barbarie tous les peintres dont le regard est synthétique et abréviateur, par exemple M. Corot, qui s’applique tout d’abord à tracer les lignes principales d’un paysage, son ossature et sa physionomie. Ainsi, M. G., traduisant fidèlement ses propres impressions, marque avec une énergie instinctive les points culminants ou lumineux d’un objet (ils peuvent être