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LES FLEURS DU MAL.


LVIII

CHANSON D’APRÈS-MIDI.


Quoique tes sourcils méchants
Te donnent un air étrange
Qui n’est pas celui d’un ange,
Sorcière aux yeux alléchants,

Je t’adore, ô ma frivole,
Ma terrible passion !
Avec la dévotion
Du prêtre pour son idole.

Le désert et la foret
Embaument tes tresses rudes ;
Ta tête a les attitudes
De l’énigme et du secret ;

Sur ta chair le parfum rôde
Comme autour d’un encensoir ;
Tu charmes comme le soir,
Nymphe ténébreuse et chaude.

Ah ! les philtres les plus forts
Ne valent pas la paresse,