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LES FLEURS DU MAL.


LXVIII

LA MUSIQUE.


La musique souvent me prend comme une mer !
        Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
        Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
        Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
        Que la nuit me voile ;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
        D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

        Sur l’immense gouffre
Me bercent. — D’autres fois, calme plat, grand miroir
        De mon désespoir !