Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/15

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libres autant qu’élevées. Voilà donc encore une louange que je vous arrache, ou du moins que je partage avec vous.

Il est un troisième sens attaché à ce mot, peu précisé encore, qu’on entend mieux qu’on ne le définit, et que l’esprit mesure néanmoins exactement dans ces mots : opinions libérales, telles que les professent le pieux Lanjuinais, le vertueux La Fayette, l’austère Beauséjour, le sévère d’Argenson. Si, attachant à mon nom, comme un opprobre, le mot libéral dans cette dernière acception, vous me confondez avec ces hommes célèbres, je n’ai plus à rougir. S’il est de plus honnêtes gens, comme je n’en doute pas, puisque vous le dites, ils ont atteint la perfection du haut de laquelle ils lancent tant de lumière qu’on ne peut les fixer. J’aime la clarté qui me guide, et non celle qui, m’éblouissant, me conduit dans les précipices.

Auriez-vous entendu par ultra-libéral cet homme qui ne vit que dans le désordre et la démoralisation ? Qu’il se présente, le premier je lui crie anathème. Mais je le trouve partout. Je le vois près de vous, aujourd’hui, rougir dans le sang la couleur qu’il appelle sans tache, et qu’il n’a prise que pour l’interposer entre lui et ses accusateurs.

Monsieur, après m’être bien examiné, je ne puis croire que vous ayez voulu défigurer à ce point, en ma faveur, un mot qui n’est terrible que pour les sots du haut monde et en général les ennemis des gouvernements qui se reposent sur la vertu et la justice, parce qu’ils garantissent la liberté et l’éga-