Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/440

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vous valez. C’est vraiment bête ce que vous exigez. On se moque de vous ; les plaisanteries vous agacent ; on ne sait pas vous rendre justice, etc., etc… Croyez-vous que vous soyez le premier homme placé dans ce cas ? Avez-vous plus de génie que Chateaubriand et que Wagner ? On s’est bien moqué d’eux cependant. Ils n’en sont pas morts. Et, pour ne pas vous inspirer trop d’orgueil, je vous dirai que ces hommes sont des modèles, chacun dans son genre, et dans un monde très riche ; et que vous, vous n’êtes que le premier, dans la décrépitude de votre art. J’espère que vous ne m’en voudrez pas du sans-façon avec lequel je vous traite. Vous connaissez mon amitié pour vous.

J’ai voulu avoir l’impression personnelle de ce M. Chorer, autant du moins qu’un Belge puisse être considéré comme une personne. Je dois dire qu’il a été gentil, et ce qu’il m’a dit s’accorde avec ce que je sais de vous, et ce que quelques gens d’esprit disent de vous : Il y a des défauts, des défaillances, un manque d’aplomb, mais il y a un charme irrésistible. Je sais tout cela ; je suis un des premiers qui l’ont compris. Il a ajouté que le tableau représentant la femme nue, avec la négresse et le chat (est-ce un chat, décidément ?), était très supérieur au tableau religieux.

Rien de nouveau, quant à Lemer. — Je crois que j’irai moi même secouer Lemer. Quant à finir ici Pauvre Belgique, j’en suis incapable ; je suis affaibli, je suis mort. J’ai une masse de poèmes en prose à répandre dans deux ou trois revues. Mais