Aller au contenu

Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

contant orgueilleusement son entrevue avec l’évêque, ne manqua pas d’ajouter sa réponse : « Oh ! mylord, je ne crois vraiment pas que ce gentleman soit un escroc, parce que… » — « Vous ne pensez pas que je sois un escroc ! répond le jeune écolier exaspéré ; désormais je vous épargnerai la peine de penser à de pareilles choses. » Et il s’apprête à partir. La pauvre hôtesse avait bien envie de mettre les pouces ; mais, la colère ayant inspiré à celui-ci quelques termes peu respectueux à l’endroit de l’évêque, toute réconciliation devint impossible. « J’étais, dit-il, véritablement indigné de cette facilité de l’évêque à calomnier une personne qu’il n’avait jamais vue, et j’eus envie de lui faire savoir là-dessus ma pensée en grec, ce qui, tout en fournissant une présomption en faveur de mon honnêteté, aurait en même temps (du moins je l’espérais) fait un devoir à l’évêque de me répondre dans la même langue : auquel cas je ne doutais pas qu’il devînt manifeste que si je n’étais pas aussi riche que sa seigneurie, j’étais un bien meilleur helléniste. Des pensées plus saines chassèrent ce projet enfantin… »

Sa vie errante recommence ; mais d’auberge en auberge il se trouve rapidement dépouillé de son argent. Pendant une quinzaine de jours il est réduit à se contenter d’un seul plat par jour. L’exercice et l’air des montagnes, qui agissent vigoureusement sur un jeune estomac, lui rendent ce maigre régime fort douloureux ; car ce repas unique est fait de thé ou de café. Enfin le thé et le café deviennent un luxe impos-