Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/284

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rées et prudemment séparées par un intervalle de quelques jours. Peut-être cette prudence et cette modération avaient-elles retardé l’apparition des terreurs vengeresses. En 1813 commence une ère nouvelle. Pendant l’été précédent un événement douloureux, qu’il ne nous explique pas, avait frappé assez fortement son esprit pour réagir même sur sa santé physique ; dès 1813, il était attaqué d’une effrayante irritation de l’estomac, qui ressemblait étonnamment à celle dont il avait tant souffert dans ses nuits d’angoisse, au fond de la maison du procureur, et qui était accompagnée de tous ses anciens rêves morbides. Voici enfin la grande justification ! À quoi bon s’étendre sur cette crise et en détailler tous les incidents ? La lutte fut longue, les douleurs fatigantes et insupportables, et la délivrance était toujours là, à portée de la main. Je dirais volontiers à tous ceux qui ont désiré un baume, un népenthès, pour des douleurs quotidiennes, troublant l’exercice régulier de leur vie et bafouant tout l’effort de leur volonté, à tous ceux-là, malades d’esprit, malades de corps, je dirais : que celui de vous qui est sans péché, soit d’action, soit d’intention, jette à notre malade la première pierre ! Ainsi, c’est chose entendue ; d’ailleurs, il vous supplie de le croire, quand il commença à prendre de l’opium quotidiennement, il y avait urgence, nécessité, fatalité ; vivre autrement n’était pas possible. Et puis sont-ils donc si nombreux, ces braves qui savent affronter patiemment, avec une énergie renouvelée de minute en minute, la douleur,