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LA FANFARLO[1]



Samuel Cramer, qui signa autrefois du nom de Manuela de Monteverde quelques folies romantiques, — dans le bon temps du Romantisme, — est le produit contradictoire d’un blême Allemand et d’une brune Chilienne. Ajoutez à cette double origine une éducation française et une civilisation littéraire, vous serez moins surpris, — sinon satisfait et édifié, — des complications bizarres de ce caractère. — Samuel a le front pur et noble, les yeux brillants comme des gouttes de café, le nez taquin et railleur, les lèvres impudentes et sensuelles, le menton carré et despote, la chevelure prétentieusement raphaélesque. — C’est à la fois un grand fainéant, un ambitieux triste, et un illustre malheureux ; car il n’a guère eu dans sa vie que des moi-

  1. Cette nouvelle est le premier écrit de Charles Baudelaire. Présentée et reçue originairement à la Revue de Paris, elle fut rendue à l’auteur. La Fanfarlo a paru pour la première fois en janvier 1847, dans le Bulletin de la Société des gens de lettres.