Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/461

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« Jusqu’à ce que la chanson du toit domestique nous réponde et gonfle la brise joyeuse, s’élevant dans un saint accord vers ton temple de marbre à la clarté de la lune !

« Déesse de la Lyre couronnée de lauriers, fais que la clarté funèbre de l’éclair et la flamme oblique de la foudre ne sillonnent jamais notre glorieuse trirème, depuis l’heure où le malin enfant naît dans son berceau de roses, jusqu’au moment où le soir tire les rideaux de son pavillon sur le ciel, la terre, et les nuages de l’Océan, enflammés et dorés comme les îles des bienheureux.

« Ô Minerve ! fais que notre valeureuse proue fende, saine et sauve, les plus terribles vagues. Fais que nos blanches voiles ne portent dans leur sein que des brises favorables, jusqu’à ce que nous ayons, à travers la succession des calmes et du vent, regagné le logis bienheureux !

« Écoute la chanson du matelot jovial, ô reine vierge de la glorieuse Athènes. »

L’hymne cessa, et l’office du soir se termina par une grande fanfare de flûtes et de trompettes. Quand tout fut calme, et qu’on n’entendit plus que le bruit cadencé des rames qui frappaient les ondes, un soudain et puissant éclat de trompette retentit du promontoire ; une longue flamme rose, d’une riche couleur, trembla un moment sur le fronton du temple, et disparut ensuite dans les hauteurs du ciel.

Les matelots tombèrent sur le visage, et reçurent ce