Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/467

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grimper sur des rochers qui ne peuvent nous conduire qu’au centre de la terre ! Voyons, prenez-moi cette épée, et rendez-moi le dernier service d’un Romain à son meilleur ami.

Sempronius prit l’épée en silence et la brisa sous son talon. La lame fit jaillir de la pierre quelques étincelles, à la lueur fugitive desquelles ils reconnurent qu’ils étaient au centre d’une vaste voûte d’où rayonnaient plusieurs chemins dans différentes directions. Ils s’enfoncèrent dans celui qui paraissait s’étendre le plus loin et aboutir à l’air extérieur.

— Ami, dit Callias, souvenez-vous que je ne suis pas un homme de patience ; je veux bien vous suivre encore ; mais si nous ne devons traîner nos sandales que pour trébucher sur des tombes, j’insiste pour qu’il me soit accordé de me reposer de mes fatigues à ma manière.

— Je demande encore un instant, s’écria énergiquement le Romain, et, après, vous pourrez me servir de guide dans les régions de l’éternel repos, où les malheureux oublient et sont oubliés.

Comme il achevait ces mots, un faible cri, suivi d’un bruit de pas précipités, frappa leurs oreilles. Ils s’arrêtèrent. Un rayon de lumière tremblait dans les profondeurs du labyrinthe, et tous deux se précipitèrent en avant. Le rayon tremblait toujours et filtrait toujours à travers les fentes d’une porte très-mince. Sempronius regarda au travers, poussa un cri, et se précipita dans la salle. Une femme était debout, les bras