Page:Baudelaire - Salon de 1845, 1845.djvu/16

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celui-ci est véritablement le morceau capital de l’exposition ; disons mieux, il est, dans un certain sens toutefois, le tableau unique du salon de 1815 ; car M. Delacroix est depuis longtemps un génie illustre, une gloire acceptée et accordée ; il a donné cette année quatre tableaux ; M. William Haussoullier hier était inconnu, et il n’en a envoyé qu’un.

Nous ne pouvons nous refuser le plaisir d’en donner d’abord une description, tant cela nous paraît gai et délicieux à faire. C’est la Fontaine de Jouvence ; — sur le premier plan trois groupes : — à gauche deux jeunes gens, ou plutôt deux rajeunis, les yeux dans les yeux, causent de fort près, et ont l’air de faire l’amour allemand. – Au milieu une femme vue de dos, à moitié nue, bien blanche, avec des cheveux bruns crespelés, jase aussi en souriant avec son partenaire ; elle a l’air plus sensuel, et tient encore un miroir où elle vient de se regarder — enfin, dans le coin à droite, un homme vigoureux et élégant – une tête ravissante, le front un peu bas, les lèvres un peu fortes — pose en souriant son verre sur le gazon, pendant que sa compagne verse quelque élixir merveilleux dans le verre d’un long et mince jeune homme debout devant elle.

Derrière eux, sur le second plan, un autre groupe étendu tout de son long sur l’herbe : — ils s’embrassent. – Sur le milieu du second, une femme nue et debout, tord ses cheveux d’où dégouttent les derniers pleurs de l’eau salutaire et fécondante ; une autre nue et à moitié couchée, semble comme une chrysalide, encore enveloppée dans la dernière va-