Page:Baudelaire Les Fleurs du Mal.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Une note plaintive, une note bizarre
S’échappa, tout en chancelant

Comme une enfant chétive, horrible, sombre, immonde
Dont sa famille rougirait,
Et qu’elle aurait longtemps, pour la cacher au monde,
Dans un caveau mise au secret !

Pauvre ange, elle chantait, votre note criarde :
« Que rien ici-bas n’est certain,
Et que toujours, avec quelque soin qu’il se farde,
Se trahit l’égoïsme humain ;

Que c’est un dur métier que d’être belle femme,
Et que c’est le travail banal
De la danseuse folle et froide qui se pâme
Dans un sourire machinal ;

Que bâtir sur les cœurs est une chose sotte ;
Que tout craque, amour et beauté,
Jusqu’à ce que l’Oubli les jette dans sa hotte
Pour les rendre à l’Éternité ! »

J’ai souvent évoqué cette lune enchantée,
Ce silence et cette langueur,
Et cette confidence horrible chuchotée
Au confessionnal du cœur.