Page:Baudelaire Les Fleurs du Mal.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LXVII

TRISTESSE DE LA LUNE


Ce soir, la Lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu’une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui, d’une main distraite et légère, caresse
Avant de s’endormir le contour de ses seins,

Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l’azur comme des floraisons.

Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poëte pieux, ennemi du sommeil,

Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d’opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du Soleil.