Page:Baudelaire Les Fleurs du Mal.djvu/271

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Et qui, dans ces soirs d’or où l’on se sent revivre,
Versent quelque héroïsme au cœur des citadins.

Celle-là droite encor, fière et sentant la règle,
Humait avidement ce chant vif et guerrier ;
Son œil parfois s’ouvrait comme l’œil d’un vieil aigle ;
Son front de marbre avait l’air fait pour le laurier !


IV


Telles vous cheminez, stoïques et sans plaintes,
À travers le chaos des vivantes cités,
Mères au cœur saignant, courtisanes ou saintes,
Dont autrefois les noms par tous étaient cités.

Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire,
Nul ne vous reconnaît ! un ivrogne incivil
Vous insulte en passant d’un amour dérisoire ;
Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil.

Honteuses d’exister, ombres ratatinées,
Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs ;
Et nul ne vous salue, étranges destinées !
Débris d’humanité pour l’éternité mûrs !

Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,
L’œil inquiet, fixé sur vos pas incertains,