Page:Baudelaire Les Fleurs du Mal.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CXLIII

LE RENIEMENT DE SAINT PIERRE


Qu’est-ce que Dieu fait donc de ce flot d’anathèmes
Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins ?
Comme un tyran gorgé de viande et de vins,
Il s’endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.

Les sanglots des martyrs et des suppliciés
Sont une symphonie enivrante sans doute,
Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,
Les cieux ne s’en sont point encor rassasiés !

— Ah ! Jésus, souviens-toi du Jardin des Olives !
Dans ta simplicité tu priais à genoux
Celui qui dans son ciel riait au bruit des clous
Que d’ignobles bourreaux plantaient dans tes chairs vives,