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Page:Baudoncourt - Le curé Labelle (1833-1891), 1892.djvu/14

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LE CURÉ LABELLE

leur suffit pas, il leur faut de l’argent, ils parlent d’aller en gagner aux États-Unis. Les parents se font vieux, il faut partager la terre qu’ils abandonneront à leurs enfants moyennant une pension. Mais cette pension absorbe le plus clair du revenu. Le père l’exige, les fils la servent à regret. C’est une pomme de discorde dans la famille, et chacun dit : Si j’avais su, je ne me serais pas lié. Que ne vendaient-ils leur terre pour en acheter une six fois plus considérable qui en quelques années aurait donné l’aisance à tous ?

Enfin, celui qui doit se faire colon, c’est le fils du cultivateur qui ne peut s’établir avec avantage près de ses parents. Il est obligé de s’éloigner. Pourquoi s’en irait-il aux États-Unis consumer sa jeunesse à poursuivre une fortune qui lui échappera toujours ? S’il a du cœur et du courage, qu’il prenne la hache et s’avance dans la forêt sur ces belles terres qui attendent le défrichement pour se couvrir de riches moissons. C’est dans nos cantons du Nord que se trouve la Californie pour les Canadiens, chaque lot y renferme un trésor. Tout compté, la journée d’un colon vaut en moyenne deux ou trois dollars (10 à 15 francs), sa première année de travail produit de mille à deux mille francs. Gagnerait-il cela aux États-Unis ?

Quelle différence entre le sort du colon et celui de l’ouvrier des manufactures ! En défrichant, vous travaillez chez vous et pour vous. Vous ne dépendez que de vous-même, de votre volonté,