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Aujourd’hui que cette maladie est mieux connue, que nous savons positivement que les symptômes observés sont principalement dus à la transformation de l’albumine en diastase et à son extravasion, il demeure évident que lorsque la perte de sérum a été très considérable, le bi-carbonate de soude ne peut y suppléer ; mais je l’ai vu réussir dans des cas d’une gravité extrême, notamment chez Mme Angélique Manouvrier, femme Poteaux, de Marly-lez-Valenciennes.

Je copie textuellement l’observation prise à cette époque.

Invasion, le 16 mars 1832 ; appelé le 17 au matin ; âge de la malade, 32 ans ; symptômes observés : face convulsée, yeux troubles, flétris, enfoncés dans leur orbite, strabisme (probablement produit par des crampes des muscles moteurs de l’œil), extrémités froides, pulsations insensibles, voix rauque et plaintive, crampes dans tous les membres ; affaiblissement considérable de l’audition et de la vision, suppression des urines, déjections nombreuses par haut et par bas.

Plusieurs années après l’épidémie, j’ai revu Mme Poteaux ; je lui ai demandé si elle me reconnaissait. Elle m’a répondu que cela était impossible, parce qu’elle n’avait pu me voir pendant la maladie, attendu qu’elle était complètement aveugle. Elle a ajouté qu’elle ne pouvait non plus reconnaître ma voix, parce qu’elle l’avait entendue comme si elle fût venue du fond d’une cave. La voix de cette dame était aussi fortement altérée et semblait venir d’un lieu souterrain ; triste conformité entre deux phénomènes de relation : le voix et l’audition.

    une certaine dose de bi-carbonate de soude pour se soustraire à l’influence d’une épidémie cholérique. Ce serait une grave erreur. Le liquide qui se trouve dans l’estomac est naturellement acide ; si on le rend alcalin, on pervertit la fonction principale de cet organe, et l’on s’expose à de grands dangers. J’en ai fait l’essai sur moi-même, et ai fait naître une maladie spéciale que des amis, excellents médecins, ont cru pouvoir rapprocher des fièvres muqueuses. Le repos et l’emploi des acidulés, tels que la limonade minérale faite avec l’acide chlorhydrique, qui, combiné avec la soude, devait donner du sel marin tout à fait inoffensif, ont fini par opérer mon rétablissement.

    Le bi-carbonate de soude, les pastilles et les liqueurs qui en contiennent, doivent donc être pris avec modération. Ces agents ne peuvent être considérés comme des digestifs qu’autant que l’estomac contient des sucs trop acides et que le malade est affecté de pyrosis. En dehors de là, on peut affirmer que ces prétendus digestifs sont les plus grands anti-digestifs qui existent, parce qu’ils placent l’estomac dans une condition tout à fait opposée à celle dans laquelle il fonctionne normalement, en rendant alcalins des agents qui doivent être acides.