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V

des le choix est tout fait. La tradition a agi comme un crible, se délivrant de ce qui était insignifiant, et conservant seulement ce qui la frappait, ce qui éveillait à un titre quelconque l’attention de ces auditoires, dont le goût n’est pas bien épuré, il est vrai, mais aussi qui n’ont pas de complaisance. Elle a fait plus encore : elle a corrigé, poli, perfectionné ce qui était bon, jusqu’à ce qu’elle l’ait fait parvenir à un état aussi précis et aussi formulé que possible. Ceux qui examineront à fond, comme nous l’avons fait, les originaux de ces contes, seront étonnés de la perfection littéraire de leur composition. Tout y est habilement calculé et prévu ; les incidents sont amenés de longue main par des circonstances bien choisies ; le surnaturel même est, pour ainsi dire, introduit naturellement. On retrouve partout les caractères spéciaux de la poésie populaire, la symétrie, les antithèses, les répétitions dues parfois au calcul, souvent à une heureuse négligence ; quelquefois même des indications et des nuances d’une grande délicatesse ; partout enfin cette attention appliquée qui est l’esprit, comme on a dit que la patience est le génie. Par là cet art naïf des conteurs anonymes se rapproche de l’art raffiné des plus grands maîtres.

Le mouvement dramatique n’est pas moins remarquable : quoi de plus parfait à cet égard que le Pêcheur et sa femme ? Presque toujours la narration marche au plus vite et sans s’arrêter en chemin ;