Aller au contenu

Page:Baudry - Contes choisis des frères Grimm.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37


fidèle Jean ne la perdit pas des yeux. Tout à coup il lui prit une faiblesse et elle tomba comme une morte à la renverse. Se jetant sur elle aussitôt, il la releva et la porta dans sa chambre, et là, l’ayant couchée sur son lit, il se pencha sur elle et lui suça à l’épaule droite trois gouttes de sang qu’il cracha. À l’instant même elle respira et reprit connaissance ; mais le jeune roi, qui avait tout vu et qui ne comprenait rien à la conduite de Jean, finit par s’en courroucer et le fit jeter en prison.

Le lendemain, le fidèle Jean fut condamné à mort et conduit à la potence. Étant déjà monté à l’échelle, il dit : « Tout homme qui va mourir peut parler avant sa fin ; en aurai-je le droit ?

— Je te l’accorde, dit le roi.

— Eh bien ! on m’a condamné injustement, et je n’ai pas cessé de t’être fidèle. »

Alors il raconta comment il avait entendu sur mer la conversation des corneilles, et comment tout ce qu’il avait fait était nécessaire pour sauver son maître. « Ô mon fidèle Jean, s’écria le roi, je te fais grâce. Faites-le descendre. » Mais, au dernier mot qu’il avait prononcé, le fidèle Jean était tombé sans vie : il était changé en pierre.

Le roi et la reine en eurent un grand chagrin :

« Hélas ! disait le roi, tant de dévouement a été bien mal récompensé. » Il fit porter la statue de pierre dans sa chambre à coucher, près de son lit.