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RUE PRINCIPALE

jusqu’au moment où le président de l’assemblée avait présenté l’orateur suivant : monsieur Julien Bernard.

L’impopularité de l’organisateur en chef s’était immédiatement manifestée. Dominant de pauvres applaudissements, de vigoureuses huées s’étaient fait entendre, et une voix de stentor avait hurlé cette question :

— Combien c’est qu’il lui a coûté, à Julien Bernard, son faux témoin pour faire sortir de prison cette petite crapule de Marcel Lortie ?

Et d’autres voix, faisant écho, avaient demandé :

— Combien, oui combien ?

L’ordre avait été rétabli à grand peine : monsieur Bernard avait réussi à prononcer un bref discours, qui avait été poliment applaudi, mais il n’en avait pas moins fallu se rendre à l’évidence : sa présence aux côtés du candidat, et surtout à la tête de son organisation électorale, ne pouvait qu’être nuisible. Le soir même, monsieur Bernard démissionnait.

Lorsque, le lendemain, Marcel avait appris l’incident, il avait eu un moment de profond découragement. Il avait même été jusqu’à confier à sa sœur son intention de quitter la ville.

Le dimanche suivant, à la sortie de la grand messe. Ninette hâta le pas pour rattraper monsieur Bernard, sorti de l’église quelques instants avant elle.

— Êtes-vous pressé, monsieur Bernard ?

— Non, Ninette, non. Pourquoi ?

— Parce que j’aurais voulu vous parler.

— Voulez-vous que nous allions voir les canards du parc ? Nous pourrons jaser tout en marchant.

Et ils se mirent lentement en route, malgré le froid assez vif de ce matin de novembre. Jusqu’à