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RUE PRINCIPALE

Il se baissa brusquement, ramassa une pierre du sentier et, de toutes ses forces, la lança dans l’eau du fleuve. Fernande ne sembla pas remarquer ce que le geste avait de rageur.

— Ça n’est pas vrai, dit-elle, que tu as envie de t’en aller ?

— On t’a dit ça ?

— Oui.

— Qui ça ?

— Qu’importe. Est-ce vrai ?

— Oui.

— Faut pas Marcel.

— Pourquoi ?

Comme la réponse tardait à venir, il insista :

— Pourquoi ne faut-il pas que je m’en aille ?

— Mais… parce que ça me ferait de la peine, Marcel.

— Ça te ferait de la peine, à toi, si je m’en allais ?

— Mais oui.

— Ah !

Ils firent quelques pas sans rien dire.

— Je m’étais pourtant promis, dit Fernande, de ne jamais te dire ça ; mais tu ne sais pas, non tu ne sais pas combien j’ai été malheureuse depuis trois mois. D’abord, quand tu as commencé à sortir avec Suzanne, il m’a semblé que…

— Que quoi, Fernande ?

— Oh ! je ne te fais pas de reproches ; tu avais bien le droit de sortir avec qui tu voulais ! Tu ne m’avais jamais rien dit, rien promis ; seulement vois-tu, moi j’avais rêvé bien des choses.

— Tu as raison, j’avais tort. Elle ne valait pas grand chose.

— Oh ! ça n’est pas ce que je voulais dire.

— Peut-être, mais c’est ainsi.

— Et ensuite, quand tu as été…