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Page:Baudry - Rue Principale 1 les Lortie, 1940.djvu/146

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RUE PRINCIPALE

ger les choses. Vous comprenez, monsieur Bernard, en le voyant agir de la sorte, elle s’entête la petite !

— Et lui aussi s’entête en voyant Ninette sortir avec Lamarre.

— Autrement dit, bonne mère ! c’est un cercle vicieux auquel il s’agirait que quelqu’un s’avise, le plus tôt possible, de faire une ouverture. Sinon on n’en sortira jamais ! Tenez, monsieur Bernard, tel que vous me voyez ce soir devant vous, moi qui en somme suis plutôt ce qu’on appelle un beau garçon, moi qui, tout le monde est d’accord, ne suis pas plus bête qu’un autre, si je ne me suis jamais marié, savez-vous pour quelle raison ?

— Non, mon cher Gaston.

— Eh bien, c’est très simple et ça s’explique en fort peu de mots. Moi aussi je me suis entêté avec une femme aussi têtue que moi ; moi aussi, peu chère de bagasse ! je me suis mis à papillonner autour d’une petite poulette de rien du tout, rien que pour faire enrager ma petite amie qui, elle, de son côté, la petite misérable, flirtait outrageusement avec un gardien de la paix qui avait des moustaches longues comme ça, dans le seul but de me faire périr de jalousie !

— Et alors ?

— Alors ? Oh ! c’est aussi simple que triste et aussi bête que simple ! Elle s’est amourachée pour de vrai, non pas du sergent de ville, mais d’un caporal de sapeurs-pompiers qui n’avait pas de moustaches du tout. Elle l’a épousé, elle a eu sept enfants, et moi, pôvre malheureux que j’étais, je suis resté tout seul, le soir où la petite poulette de rien du tout s’est sauvée, en Algérie, avec un violoniste qui avait des cheveux plus longs que votre fourchette, autant de dettes que le gouvernement provincial et une figure toute marquée de petite