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XXI

où bob avoue un échec et en subit un autre

En temps ordinaire, un coup de poing aussi magistralement appliqué que celui qui avait suffi à Phil Girard pour refroidir les ardeurs belliqueuses de Léon Sénécal, aurait alimenté les conversations de quatre-vingt pour cent des habitants de Saint-Albert pendant toute une semaine ; mais on était, ne l’oublions pas, en pleine campagne électorale. Et d’heure en heure, Blanchard et ses amis d’une part, Lecrevier et les siens de l’autre, attisaient le feu de l’opinion publique en lançant, avec plus ou moins d’adresse, une foule de rumeurs destinées à discréditer l’adversaire.

Jamais issue d’une lutte politique n’était apparue plus douteuse. Les vieux roublards, ceux qu’on était convenu d’appeler « les observateurs perspicaces », y perdaient lamentablement leur latin. Tour à tour, à la faveur de quelqu’accusation nouvelle, les plateaux de la balance semblaient pencher du côté de l’échevin sortant, puis du côté de son adversaire. Mais il suffisait chaque fois d’une nouvelle, vraie ou fausse, circulant de bouche à oreille, pour faire changer les pronostics. Le lendemain de la rencontre Girard-Sénécal, c’est-à-dire le lundi, les oracles du Club Athlétique s’accordaient avec ceux de l’Association des Commerçants. pour admettre que la défaite de Blanchard ne faisait aucun doute. Le mardi cependant, le vent avait complètement changé de direction, et les mêmes oracles n’accordaient plus à Lecrevier