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RUE PRINCIPALE

Que lui restait-il à ajouter ? Ninette était ostensiblement pressée de voir l’entretien se terminer. Il était venu là, avec l’espoir avoué d’obtenir certains renseignements qu’elle n’avait pu lui donner ; pouvait-il faire autre chose que la remercier et s’en aller, tout simplement, comme il était venu ? L’occasion n’était-elle pourtant pas belle de lui parler de tout autre chose ? Avait-il le droit de la laisser échapper ? Il se décida brusquement.

— Écoute, Ninette, dit-il, tu vas peut-être trouver que le moment est bien mal choisi pour te dire ça ; tu vas peut-être trouver que… enfin, je ne sais pas moi… Vois-tu, c’est la première fois que j’en ai franchement l’occasion… Tu sais, Ninette, moi, moi je n’ai pas cessé de t’aimer et… et puis…

— À quoi bon, Bob ? C’est un sujet de conversation qui m’est pénible.

— Pourquoi, Ninette ? J’ai peut-être été violent une fois ; j’ai peut-être dit des choses que je n’aurais pas dû dire ; j’ai sans doute eu le tort de me laisser tromper par des apparences, de me laisser emporter par une jalousie que rien de réel ne motivait. Mais ne crois-tu pas que si j’ai commis cette erreur-là, c’est justement parce que je t’aimais ? Ne penses-tu pas que si je suis là, devant toi, sans bien savoir quoi dire et conscient d’avoir l’air plutôt bête, c’est justement parce que je t’aime encore, parce que je n’ai jamais cessé de t’aimer ? Et toi, Ninette, de ton côté, crois-tu que tu me donnes le change ; crois-tu que je ne sais pas que tu n’as pas été plus heureuse que moi… depuis qu’on ne se voit plus ?

— Tu n’en sais rien, Bob.

— Ah ! oui je le sais ! Tu ne peux pas avoir été heureuse, Ninette : ça n’est pas possible. Lamarre là, tu auras beau dire et beau faire, tu ne me feras