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RUE PRINCIPALE

— Ah ! dit-il, je sais tout ce que tu penses et tout ce que tu voudrais me dire, Marcel. Je me rends bien compte de tout ce que tu as souffert par ma faute, et j’en ai bien souffert moi-même, tu peux me croire. Mais que veux-tu ? Je ne pouvais pas parler sans m’accuser, et ça je ne voulais pas le faire à cause de maman. Franchement, j’en ai passé des nuits blanches, moi aussi, à me reprocher mon mauvais coup et à me demander si je n’irais pas, le lendemain matin, raconter toute l’histoire à la police.

— Tu n’avais pas le droit d’hésiter !

— Je te jure que si tu avais été condamné j’aurais tout dit ! Mais vois-tu, pour le coup lui-même, je ne le regrette qu’à moitié ; parce que Sénécal, tu peux me croire Marcel, il méritait bien ça.

— Il méritait bien ça ?

— Oui, certain.

— Mais dis donc, s’étonna Marcel, Léon Sénécal c’est ton oncle !

Monsieur Bernard sursauta.

— Son oncle ?

— Oui, dit André, c’est le plus jeune frère de maman.

— Et il ne vous a pas reconnu ?

— Non, monsieur Bernard. J’avais d’ailleurs pris mes précautions.

— Mais enfin, dit Marcel, pourquoi as-tu fait ça ?

— Mais oui, insista monsieur Bernard, pourquoi ?

Sans la moindre honte cette fois, André répondit :

— Parce qu’on avait besoin d’argent chez nous : parce qu’on était mal pris, et que l’argent de Sénécal, au fond, c’était plutôt notre argent à nous autres.