Page:Baudry - Rue Principale 1 les Lortie, 1940.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
RUE PRINCIPALE

crise qu’elle était à la veille de provoquer, non son opinion sur sa façon de conduire ses affaires sentimentales.

— Il est inutile de mêler Bob à tout ceci ! cria-t-elle. Entre lui et moi, c’est fini et bien fini. Combien de fois faudra-t-il que je te le dise ?

— Tu peux bien me le dire cent mille fois si ça te fait plaisir, répondit-il, je te croirai pas plus pour ça !

Il mit son pardessus, ramassa son chapeau au passage, et sortit en haussant les épaules.

S’il s’était retourné en franchissant le seuil de la porte, il aurait vu que Ninette, retombée dans son fauteuil, avait le visage baigné de larmes.

Depuis combien de temps pleurait-elle ainsi, lorsque la sonnerie du téléphone déchira le silence ?

Elle sursauta, refoula un sanglot qui montait, eut peur que sa voix ne trahisse son désarroi, hésita, puis, avec un haussement d’épaules, décrocha l’appareil.

— Allô !

— Mlle Lortie ?

La voix, au bout du fil, était traînante, fatiguée.

— Oui…

— Je vous appelle de la part du docteur Piché, mademoiselle. Le sergent Gendron est ici.

— Ici ? Où ça ?

— À l’hôpital, mademoiselle. Il a été blessé dans un accident d’automobile. Le docteur croit que…

Mais Ninette n’écoutait plus. Elle laissa tomber le récepteur sur la table, bondit vers sa chambre, prit un manteau — le premier venu — et, tête nue, sans prendre la peine d’éteindre les lumières, ni