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RUE PRINCIPALE

— Tant mieux, tant mieux. J’espère que ce n’est pas le beau jeune homme de tous les soirs qui fait pleurer de si jolis yeux ?

— Oh ! non, monsieur.

— Bon ! Ça m’aurait surpris d’ailleurs. Je suis sûr que vous détestez l’odeur de la pipe ?

— Mais non, pas du tout.

— On dit que les femmes sont curieuses, mademoiselle Ninette ; pensez-vous que ce soit vrai ?

— Oui, mais peut-être pas plus que les hommes.

Monsieur Bernard hésita un instant à poursuivre. Devait-il prendre la réponse de Ninette pour lui ? Il sortit sa blague de sa poche, bourra sa pipe. l’alluma posément et :

— Mais vous, l’êtes-vous, curieuse ?

— Un peu, oui, je pense, répliqua Ninette qui commençait à se demander où son interlocuteur voulait en venir.

— Alors, poursuivit monsieur Bernard, je suis persuadé que vous avez déjà dû vous demander pourquoi un vieux bonhomme comme moi était venu s’installer dans votre jolie ville.

Vous venez de donner la raison ; parce qu’elle est jolie, probablement.

— Oui évidemment, mais aussi parce que j’ai cru que je vivrais ici plus tranquille, moins vite peut-être, et par conséquent plus longtemps que dans une grande ville bruyante, que dans le mouvement perpétuel de la métropole. En somme, à un homme, à un vieil homme à qui il ne reste que ses livres et sa pipe, que faut-il ? De la tranquillité et, autour de lui, autant de visages souriants que possible.

— Et vous croyez trouver tout ça à Saint-Albert ?