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LES LORTIE

Elle ferma les yeux et, soudain, elle vit se dérouler, comme sur un écran, les misérables petits événements de la journée.

Elle se revit derrière son guichet, attendant les premiers spectateurs, dix minutes avant l’ouverture des portes. Un monsieur s’était approché et, distraitement, elle avançait déjà la main vers son rouleau de billets, lorsqu’elle avait reconnu Monsieur Bernard.

— Mademoiselle, lui avait-il dit, je viens m’enquérir de la façon dont votre frère a accueilli ma proposition et vous demander quand je peux compter sur lui.

Et il avait fallu lui dire que Marcel refusait, qu’il préférait tenter la réalisation chimérique d’un projet qu’il croyait génial mais en lequel elle, Ninette, n’avait aucune confiance. Monsieur Bernard avait souri, hoché la tête avec indulgence et était parti en exprimant le désir de faire bientôt la connaissance de ce frère quelque peu rebelle, et en disant que toutes les natures un peu spéciales offraient pour lui beaucoup d’intérêt.

Puis, vers la fin de l’après-midi, il lui avait fallu supporter, une fois de plus, les fades galanteries de monsieur Lamarre, l’entreprenant directeur du cinéma.

— Faites-vous quelque chose tout-à-l’heure, mademoiselle Lortie ?

— Si je fais quelque chose, monsieur Lamarre ?

— Mais oui, après six heures, serez-vous… libre ?

— Non, monsieur Lamarre, je regrette mais…

— C’est fâcheux ; je voulais vous demander si vous me feriez l’honneur de dîner avec moi.

— J’en suis désolée, mais ça m’est tout-à-fait impossible