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LES LORTIE

Il n’avait pas insisté. Mais au fond d’elle-même, bien au fond, ça lui avait fait plaisir qu’il se soit montré jaloux. Ça ne fait-il pas toujours un peu plaisir à toutes les femmes ?

Que c’était donc agaçant cette lampe du vestibule qui s’obstinait à brûler sans utilité !

Le film se poursuivit.

Après dîner ils étaient partis en auto, à petite allure, au hasard de la route. Comme cette soirée d’octobre était exceptionnellement douce, ils avaient arrêté la voiture sur le bas-côté du chemin, face au fleuve. Bob avait ouvert la radio ; la musique était douce, les mélodies jolies. Et ils étaient restés là longtemps, sans rien dire, les doigts entrelacés, à écouter la musique et à regarder l’eau que faisait frissonner la brise.

Bob, enfin, avait parlé :

— Ninette.

— Oui Bob ?

— Tu n’as pas peur de prendre froid ? Le vent du soir, c’est frais.

— Non, Bob, non. Je suis bien… si bien.

Et le silence était retombé entre eux. Les violons, si lointains et si proches, chantaient la plainte d’un tzigane. Ninette se croyait transportée loin, bien loin, dans un pays merveilleux, peuplé de seuls amoureux et de tziganes qui faisaient pleurer les cordes sous la caresse voluptueuse de l’archet.

— Ninette.

— Bob ?

— Je me suis demandé… enfin, crois-tu Ninette que…

Les violons s’étaient faits plus plaintifs.

— Que quoi, Bob ?

— Que tu pourrais être heureuse, toujours, avec moi ?