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RUE PRINCIPALE

— Messieurs et chers amis. Vous me pressez de vous dire à quelle décision m’ont poussé mes lentes, mes laborieuses réflexions de ces derniers jours. En quelques mots, pour être bref et précis, je vous dirai, mes chers collègues, ou plutôt, j’aurai le plaisir de vous apprendre, que j’ai décidé d’accepter votre offre et de poser ma candidature aux prochaines élections municipales, avec l’espoir juste et raisonnable de battre Héliodore Blanchard, ce paltoquet dont les manigances me dégoûtent depuis beaucoup trop longtemps.

Mathieu et Girard n’avaient pas attendu la fin de la tirade pour extérioriser leur satisfaction.

À peine Gaston avait-il dit « j’aurai le plaisir de vous apprendre que j’ai décidé d’accepter » que déjà les deux compères tombaient dans les bras l’un de l’autre et esquissaient un pas de gigue. Puis ce furent de bruyants vivats, de violentes mais cordiales poignées de mains, et même la traditionnelle et inévitable chanson canadienne où il est dit que l’acclamé, même s’il n’a jamais été militaire, a gagné ses épaulettes. Mais il faut que les démonstrations les plus enthousiastes et les hourras les plus vibrants aient une fin, quand ce ne serait que pour ménager les cordes vocales des foules : le boucher et le boulanger finirent donc par se calmer, et Gaston, s’adressant à monsieur Bernard, put enfin reprendre la parole.

— Mon cher monsieur Bernard, dit-il, si j’osais je vous demanderais bien quelque chose.

— Mais ne vous gênez pas, mon cher Gaston !

— En somme c’est assez simple. Je voulais vous demander, monsieur Bernard, si vous me feriez l’honneur et l’amitié très grande de prendre la direction de ma campagne électorale ?

Et comme le vieil homme se récriait, il ajouta :