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RUE PRINCIPALE

— Je me demande bien si le beau Bob est au courant, murmura-t-elle. Faudra voir à ça, oui faudra voir à ça.

***

Deux heures plus tard, chez Gaston, Bob attendait Ninette. Le restaurateur, attablé en face de lui, parlait avec entrain de sa campagne électorale qui, au dire de ses amis, s’annonçait triomphale. Mais Bob écoutait de façon quelque peu distraite, plus intéressé, semblait-il, par le lent et régulier mouvement des aiguilles de la pendule que par les discours du brave méridional. Six heures vingt et Ninette n’était pas là ! Vingt minutes de retard. C’était si peu dans ses habitudes que Bob ne pouvait s’empêcher d’être inquiet.

— Et c’est pourquoi, mon cher Bob, disait Gaston en terminant un long exposé des arguments qu’il allait développer le soir même devant la foule des électeurs, c’est pourquoi je voudrais que tu me dises franchement ton opinion, peuchère ! Car tu sais, mon bon, s’il y a une opinion à laquelle je tiens, c’est bien la tienne.

Donner son opinion ! Sur quoi ? Bob qui avait perdu le fil du discours de Gaston depuis au moins cinq minutes, se sentit embarrassé, confus, ridicule. Avouer à Gaston qu’il ne l’avait pas écouté, c’était le fâcher, l’offenser gravement sans doute. Mais que faire d’autre ?

Heureusement Aurore, la serveuse, vint providentiellement à son secours.

— Monsieur Gaston, dit-elle, on vous réclame à la cuisine. Il n’y a plus une goutte d’huile d’olive.

— Plus une goutte d’huile d’olive, bonne mère ! Qu’est-ce que vous me chantez là, vous ?

— C’est ce que le chef m’a dit, monsieur Gaston.