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X

petite étude de mœurs électorales

En apprenant qu’il aurait Gaston Lecrevier comme adversaire aux élections, Héliodore Blanchard avait d’abord haussé les épaules avec indifférence.

— Voilà bien, avait-il dit à tous ceux qui voulaient l’entendre, une campagne électorale qui ne me causera pas grandes fatigues. Avec un adversaire comme Lecrevier, je peux me coucher tous les jours à huit heures et attendre patiemment qu’à force de bêtises il dégoûte les deux ou trois douzaines de partisans qu’il peut avoir.

Mais à la réflexion il avait cru prudent d’aller trouver Brasseur, le rachitique propriétaire du Clairon, la nauséabonde feuille de chou qui, chose incompréhensible, était le seul journal de Saint-Albert. Brasseur était, depuis des années, à la solde de Blanchard, comme il était à celle de tous ceux qui desserraient plus ou moins les cordons de leur bourse. L’échevin véreux avait expliqué au journaliste marron ce qu’il attendait de lui, et Le Clairon du samedi suivant avait publié un premier-Saint-Albert virulent, dans lequel ce pauvre Gaston se faisait attraper de la plus belle façon.

L’unique journal de la ville, malgré la piètre estime dans laquelle le tenaient quelques esprits avertis, était une arme politique redoutable ; et monsieur Bernard qui, l’ayant accepté, prenait son rôle d’organisateur politique au sérieux, décida de se l’approprier.