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au bûcher. À la fin, fatigués de tant de rigueurs et se sentant forts par leur nombre et leurs relations avec d’autres protestants, surtout les Suisses, ils résolurent de se défendre à main armée. Les insurrections et les combats dans les rues de jour et de nuit devinrent de plus en plus fréquents ; un jour, après une procession dérangée par les huguenots, la populace força l’entrée du Collège de la Trinité pour se saisir de Barthélémy Aneau qu’on soupçonnait être un des chefs secrets de la Réforme. Et après lui avoir baillé plusieurs coups d’espées, hallebardes et autres basions sur sa personne, l’auraient inhumainement tué et occis et layssé estendu au milieu de la rue, au grand scandal des petits enfants, escoliers et autres estudiants audict collège[1]. Une députation que le clergé envoya au roi, obtint que les coupables ne fussent pas punis, puisque le crime avait été commis contre un hérétique[2].

Le corps consulaire — la teneur du rapport sur la mort d’Aneau que nous venons de citer l’indique déjà — était très enclin à la Réforme et avec lui beaucoup d’autres Lyonnais influents[3]. Cependant les troubles ne cessaient point, et leur résultat fut que les protestants, à l’aide des troupes du baron des Adrets, s’emparèrent de la ville le 30 avril 1562. Pourtant ils ne voulaient pas se soustraire à la souveraineté du roi, et ils prièrent le gouverneur royal de continuer ses fonctions ; rien ne devait être considéré comme changé si ce n’est la confession.

Les premiers mois de l’occupation furent signalés par toute sorte d’excès, surtout contre les églises catholiques et contre les couvents. On établit un consulat tout protestant, et tous les habitants furent forcés d’assister au sermon.

Mais cet état de choses ne dura pas longtemps. Les troupes catholiques s’avancèrent de toutes parts vers Lyon et l’assiégèrent. Après une résistance courageuse de quelques mois, la ville se rendit aux ligueurs qui réintroduisirent dans les églises les cérémonies religieuses de leur confession, sauf dans deux qui restèrent aux protestants.

Tels furent les événements les plus importants de l’histoire lyonnaise en l’année 1562 dans laquelle Maurice Scève publia son dernier ouvrage, le Microcosme. Il n’est guère facile de dater ce livre d’une façon plus exacte, puisqu’il n’est pas muni d’un privilège d’impression ou d’un extrait des registres du parlement. Oserait-on conclure de cette circonstance que le livre fut publié pendant l’occupation de la ville par les protestants, où les relations avec le parlement de Bordeaux et la cour de Paris étaient

  1. Registres consulaires.
  2. France protestante ; article Aneau.
  3. Moutarde, op. cit. p. 71.