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dès le temps où il préparait sa première expédition d’Italie, la base de ses opérations. Aucune autre ville n’était plus apte à remplir cette fonction. C’est là que se croisaient les routes qui devaient amener les différentes parties de son armée : les chevaliers français et les contingents de ses villes, les lansquenets allemands, les fantassins suisses ; le commerce lyonnais pouvait très bien se charger des fournitures de l’armée ; enfin il n’y avait dans aucune ville de la France autant d’hommes capables de donner des renseignements sur l’Italie ; les premiers d’entre eux étaient les banquiers florentins dont la patrie resta presque toujours l’amie et l’alliée des rois de France.

Ces expéditions étaient donc pour Lyon une nouvelle source de richesse et d’animation intellectuelle et sociale à la fois. La cour séjournait très souvent, presque toujours pendant la guerre, dans la ville, ce qui fit pour longtemps de Lyon la vraie capitale de la France. Il y eut à cette époque une certaine émulation, une jalousie même entre les Lyonnais et les Parisiens, qui considéraient d’un œil jaloux le transfert de la cour à Lyon, et les hommages qu’on rendait à ses femmes dans les somptueux tournois et les riches banquets[1]. Les courtisans et les dames que la cour avait amenés à Lyon, y restaient volontiers, et il semble que la ville devint souvent une espèce de Capoue pour les armées françaises. Les chevaliers allaient y dépenser, dans l’espoir de faire un riche butin, l’argent qu’ils avaient apporté de chez eux ; et, au retour de leurs campagnes, une partie de ce butin même passait dans les mains des Lyonnais.

Pour bien divertir la cour et la noblesse, on fit tout ce qu’on put ; les chansons populaires ne se lassent pas de parler de la gaîté et de la bonne chère lyonnaises. La ville étalait sa richesse et sa libéralité dans ces entrées solennelles dont nous parlerons

  1. I. La réformation sur les dames de Paris faite par les Lyonnaises, et responce et réplique des dames de Paris contre celles de Lyon. 2. La rescription des femmes de Paris aux femmes de Lyon, et réponse faite par les dames de Lyon sur la rescription des Parisiennes, cf. Revue des Lyonnais. 1864, 2e s. XXVIII. 558, et XXIX, 81. — Puisque les deux poésies sont d’un caractère très calomnieux, on ne peut pas bien ajouter foi au tableau de la démoralisation des femmes lyonnaises qui sont accusées d’assimiler par leur coquetterie les églises aux maisons où se vend l’amour, et de vendre la beauté de leurs filles. Mais voici quelques vers très caractéristiques de la réponse des Lyonnaises :

    Laissons prêcher Carmes, Frères Mineurs
    Et Mendiants. — Ce n’est à vous à faire.
    Un chacun doit penser à son affaire…
    Rire, chanter, dancer et caqueter
    Désirons fort, nous autres de Lyon —
    — Se aux amans nos cœurs humtlion.

    Vous ne deussiez en prendre ennuy, mais aise,
    Un jour plaisant en vaut cent de mésaise.