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c’est l’introduction de l’imprimerie à Lyon. On a déjà tant écrit sur cette matière[1] que je peux me borner ici à quelques remarques. On sait que Lyon était déjà dans le dernier quart du quinzième siècle[2] une des places les plus importantes de la librairie en Europe, et cette importance alla grandissant jusqu’aux guerres religieuses[3]. Vers le milieu du seizième siècle, Lyon n’est surpassé que par Venise pour le nombre, les qualités artistiques et la correction de ses éditions et pour la variété des matières traitées. Claude de Nourry et François Juste s’occupent surtout de l’impression de livres français destinés au peuple ; on sait le rôle qu’ils jouent dans la vie de Rabelais.

Sébastien Gryphe, un des nombreux Allemands qui ont travaillé à cette époque comme imprimeurs à Lyon, est l’éditeur lyonnais le plus célèbre pour les auteurs latins et grecs ; ses magnifiques éditions tiennent le premier rang après celles des Alde. L’influence qu’il a exercée sur le développement des lettres lyonnaises, a été très efficace ; il a occupé dans ses officines Guillaume Scève, Rabelais et Dolet ; il a formé les imprimeurs-éditeurs Jean de Tournes et Guillaume de Roville qui ont continué son œuvre. Si nous avions une étude biographique consciencieuse sur cet imprimeur, nous verrions beaucoup plus clair dans la marche de la Renaissance lyonnaise.

L’organisation de l’imprimerie au seizième siècle est très différente de celle de nos jours. À l’époque de la Renaissance, la typographie est plutôt un art qu’un métier, et les imprimeurs sont plutôt des érudits et des artistes que des industriels. Ce ne sont pas les humanistes qui chargent les typographes d’imprimer les éditions qu’ils ont préparées ; ce sont au contraire les grands imprimeurs, comme S. Gryphe, qui occupent tout un état-major d’humanistes à corriger les livres pour lesquels le typographe seul est responsable.

L’introduction de l’imprimerie apporte un nouvel élément dans la société lyonnaise : les humanistes allemands et français, qui se distinguent de leurs confrères italiens surtout en ce qu’ils ne savent pas bien comprendre les chefs-d’œuvre de l’antiquité par leur côté esthétique et en ce qu’ils manquent d’élégance pour la plupart. Mais ils ont par contre l’avantage d’être plus con-

  1. Claudin, Histoire de l’imprimerie, tom. II. — Vingtrinier, Aimé, Histoire de l’imprimerie à Lyon. Lyon 1894. — Montfalcon, Le nouveau Spon ou Manuel du Bibliophile et de l’archéologue lyonnais. Lyon 1856. — Baudrier, J. Bibliographie lyonnais. Recherches sur les imprimeurs, libraires et fondeurs de lettres de Lyon au seizième siècle. 6 vol. Lyon 1895—1904.
  2. Péricaud, Bibliographie lyonnaise du quinzième siècle. Lyon 1851.
  3. Dans l’entrée solennelle d’Eléonore d’Autriche à Lyon en 1530, on comptait 200 imprimeurs dans le grand cortège ; dans l’entrée de Henri II en 1548 il y en avait même 413.