Page:Baur - Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise, 1906.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 41 —

sa dévotion devant cette gorge yvoiriue qui continue la beauté et la blancheur de la face devant laquelle il a fait

Maint sacrifice et mainte oblation
De ce mien cœur qui ard sur son autel
En feu qui est à jamais immortel,
Lequel j’arrouse et asperge de peurs
Pour eau bénoiste, et pour roses et fleurs
Je vay semant gémissements et plaincts
De chants mortels environnés et pleins,
En lieu d’encens des souspirs parfumez,
Chauds et ardents, pour en estre allumez.

Il est important de noter que Maurice Scève manifeste dans ces blasons déjà toute son individualité poétique. Il est encore disciple de Clément Marot, surtout pour la forme ; mais il n’est pas un plat imitateur. Il se distingue des autres blasonneurs par une sévérité tantôt idéale et sereine, tantôt pédante, par une préciosité sentimentale excessive, et même fastidieuse. Sa versification est facile et peut soutenir la comparaison avec celle de Marot ; le style n’a pas les duretés de celui d’un novice, et on croit avoir affaire à un poète ayant déjà quelque expérience. C’est que les blasons ne sont pas antérieurs à tous les dizains de la Délie. Si nous suivons les allusions historiques de cet ouvrage, nous arrivons à la conclusion, que toute la première centaine de ses dizains ont été composés avant le concours des blasons, ou tout au moins à la même époque.

Ces concours poétiques amusaient beaucoup, semble-t-il, Renée de France et sa cour. Marot eut l’idée de la surprendre par un nouveau tournoi, plus Joyeux et récréatif encore, il le proposa à ses disciples dans VEpitre aux Blasonneurs que nous avons déjà citée à plusieurs reprises. La tâche de chaque poète était cette fois de dire tout le mal possible d’une partie du corps féminin, supposée laide, dans une parodie des premiers blasons, surtout des siens propres, et de brûler ce qu’il avait adoré. Ce n’était donc pas un concours du beau dans la poésie, mais du laid et du grotesque. Le titre de Blason ne convenant plus à ces poésies de genre satirique, ou les appela des Contre-Blasons. Marot en donna de nouveau le modèle : l’Épigramme du laid Tetin qu’il joignit à son épître[1].

  1. Marot. Épître aux Blasonneurs :
    Or, chers amys, par manière de rire
    Il m’est venu volunté de descrire
    A contrepoil un tetin que j’envoye
    Vers vous, affîn que suiviez ceste voye.