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dans la conception de la vie et de l’art, qui contrastait un peu avec la gaîté insouciante de l’élégante société lyonnaise. Ils furent aussi les seuls écrivains de Lyon, à ce qu’il semble, qui s’exerçaient à la fois dans la poésie latine et française. Ils ne manquèrent pas de se lier d’une amitié très intime dont témoignent de nombreux documents.

Lorsque Dolet publia le recueil de vers à l’occasion de la mort du dauphin François, il accorda à Maurice Scève non seulement le premier rang après ses propres vers, mais aussi l’espace le plus considérable. En 1538, Étienne Dolet se souvint de son ami dans deux de ses principaux ouvrages. Dans ses Commentaires de la langue latine, si riches en digressions, il parle aussi, au tome deuxième, de la langue française et des poètes qui s’en sont servis. Il mentionne les deux poètes les plus célèbres pour l’élégance de la forme et la noblesse des idées : Clément Marot et Maurice Scève[1] — Ses Carmina[2] furent publiés dans la même année. Il adresse une ode de ce recueil ad Mauricium Scœvam, amicum singularem. Elle chante l’amitié, telle que les hommes de la Renaissance se l’imaginaient, en termes enthousiastes ; c’est sans doute la poésie la plus sincère et la plus sympathique du volume.

Non nos voluptas, vita vel impia
      Non nos indignum studium aut scelus.
      Conjunxit : hanc iucundus usus.
      Usus amicitiam creavit.

Mores pares, parque ingenii vigor
      Ac vota pulchre convenientia
      Par vita prorsus nos libentes
      Fœdere perpetuo ligavit.

Sic quondam amavit Scipio Lælium
      Haesitque Orestes sic Pylado suo,
      Sic Castorem Pollux amasse
      Thesea Pyrithousque fertur.

Non tempus ullum iuriave aspera
      Aut rixa dissolvet, quibus imperat
      Virtuti amor natus celebri
      Matre eadem assidue fovendus.
  1. E. Dolet. Commentariorum linguae latinae tomus secundus… Lyon, S. Gryphe 1538. — p. 403. disgressio lingua : …Gallicae linguae primas partes tenuit nostra aetate Clemens Marotus, poeta ver su scribendo felicissimus atque praestantissimus. In quo si quid desideres, fortunam tantum secundam desideres… Maroti laudi proximus est Mauricius Scaeva, alterunt lingune gallicae lumen atque sempiternum omamentum. Complures alios habet Gallia vernaculae et patriae linguae nomine imprimes laudabiUs quos suis scriptis illustrari malo quam hic a me recusari.
  2. Stephani Doleti Galli Aurelii Carminarum libri quatuor. Lyon, Dolet 1538 p. 20-22.