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politiques favorables pour commencer son œuvre de destruction avec tous les moyens possibles.

Pour aviser aux meilleurs moyens de succès, des conférences ecclésiastiques se réunirent à Lyon ; au printemps 1539, les évêques de Lausanne et de Genève, celui de Carpentras (le célèbre Sadolet), ceux de Turin, de Vienne, de Besançon et de Langres tinrent conseil sous la présidence du cardinal de Tour non[1]. On essaya même d’amener une fusion des deux églises en comptant sur une réaction contre Calvin qui s’opérait dans ces années à Genève ; mais le succès de cette entreprise fut négatif.

La ruse ayant échoué, on usa de la force. On incarcéra même des marchands étrangers qui passaient par Lyon, malgré les privilèges de franchise pour les foires. Dans les années qui suivirent 1538, on n’a aucune trace d’un prédicateur pour les nombreux protestants qui vivaient pourtant à Lyon, en cachant aussi bien que possible leur confession. Avant cette époque, ils n’avaient dû prendre que très peu de précautions pour leurs assemblées.

Dans ces années où l’Eglise avait retrouvé en France toute son énergie froide et conséquente, il ne restait point d’autre parti aux littérateurs français que de se décider pour ou contre l’Église catholique. Quiconque ne se soumettait pas à elle, risquait sa vie ; il fut dorénavant impossible d’adhérer à ce mysticisme indépendant qui était l’idéal des humanistes lyonnais ; il fallait abjurer les hérésies ou quitter la ville.

Nicolas Bourbon de Vandœuvre prit le premier parti. Dans une nouvelle édition de ses œuvres qu’il publia à la fin de l’année 1538, il remplaça l’ode in laudem Dei optimi maximi, dans laquelle il avait chanté ses idées réformatrices, par une autre ad D. Mariam Virginem deiparam, dont le titre indique déjà sa tendance catholique. Il est vrai que Bourbon[2] avait enduré la prison ; sa rétraction n’était pas moins une désertion que Calvin et Farel ne lui pardonnèrent jamais. Barthélémy Aneau et Guilbert Ducher cherchèrent à cacher leurs sentiments religieux derrière une sage réserve, une espèce d’indifférence pour autant qu’elle était permise. Dolet et Despériers étaient des hommes auxquels une soumission extérieure ne coûtait guère, ils ne comprenaient pas qu’on pût être assez obstiné pour se faire martyre. Pourtant ils se mirent sous l’égide de Marguerite de Navarre.

Les autres ne trouvaient pas d’autre moyen de salut que de quitter Lyon. Rabelais se rendit en Piémont chez Guillaume du Bellay, Visagier se réfugia à la cour de Nérac où le suivit bientôt Bourbon malgré l’abjuration faite dans ses Nugæ. Sébastien

  1. Moutarde. op. cit. p. 46.
  2. Buisson, op. cit. p. 80.