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auteur était en relations amicales avec la ville où il les fit imprimer.

Le plus cher de ses amis lyonnais, le seul à qui il ait voué une admiration démesurée, est Maurice Scève. Les louanges qu’il lui adresse, dépassent tout ce qu’on peut attendre des humanistes dans ce domaine.

      À Maurice Scève, Lyonnais, homme très érudit.
Ainsi comme l’aimant le fer attire
Par un bien grand secret de nature occulté,
O très cher amy Scève, ainsi fait ton escire
Le mien tant rude esprit par sa grand déité.
Voyant devant mes yeux ta docte gravité,
Ta profonde éloquence et mirable facture
Je double là soudain, ravis et arresté
Si tu es plus divin qu’humaine créature.               (p. 50.)

Voilà les accents d’un disciple enthousiaste ! Il est impossible que ce panégyrique soit adressé à l’auteur de la déplourable Fin de Flamete, des Blasons et de l’Arion. Sainte-Marthe connaissait sans doute les dizains de la Délie qui existaient déjà à cette époque et peut-être même des ouvrages qui ne se sont pas conservés.

Nous trouvons encore d’autres passages relatifs à Maurice Scève dans les poésies de Charles de Sainte-Marthe. Un huitain dans lequel il le compare à Marot et à Saint-Gelais — comparaison où Scève tient le deuxième rang — me paraît surtout digne d’intérêt.

À un qui le dehortait de mettre ses Œuvres en lumière.
Chacun Marot escrivant ne peult estre
Pour attirer le lecteur par doux style.
Un chascun n’est comme Sceve bien dextre
Pour fulminer d’invention subtile,
Chascun n’a pas son esprit tant fertile
Que Sainct-Gelais ; il ne s’ensuit pourtant
Que celuy-là qui n’en peult faire autant
En ses escripts soit du tout inutile.               (p. 52.)

Dans l’Élégie du Tempé de France, une description allégorique qui est moins fade que d’autres du même temps, Sainte-Marthe met sous la sauvegarde d’une Muse chaque poète français. Ainsi Calliope, muse de la poésie épique et de l’éloquence a trouvé une voix qui est „consonnante“ à la sienne : c’est Clément Marot, il serait difficile de dire pourquoi. Colin[1] est le fervent de Clio,

  1. Jacques Colin d’Auxerre, lecteur et secrétaire de François Ier avant du Châtel (jusqu’en 1537). Il est l’auteur d’une traduction du Cortegiano dont Mellin de Saint-Gelais a publié une édition de luxe en 1538. Il a écrit le prologue de la traduction de Thucydide par Claude de Seyssel, et a traduit en vers une métamorphose d’Ovide : la dispute d’Ajax et d’Ulisse, imprimé à Lyon en 1547.