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venture est donc un autre de ces poètes qui ont contribué à nouer des relations entre les auteurs lyonnais et la cour de Marguerite. Après sa mort volontaire en 1544, Antoine du Moulin se fait l’exécuteur de la dernière volonté de son ami en publiant ses poésies qu’il dédie à Marguerite.

Dans les ouvrages des humanistes lyonnais, nous trouvons souvent des traces de leurs relations avec la reine de Navarre. Étienne Dolet en particulier, l’ami d’Antoine du Moulin et de Bonaventure Despériers, est un grand admirateur de cette princesse ; il n’échappa à un emprisonnement que grâce à la protection de la reine, de même que Boissonné[1]. Nicolas Bourbon et Jean Visagier trouvent un refuge à la cour de Nérac, lorsque la terre de Lyon leur brûle sous les pieds. François Rabelais dédie à la reine le Tiers Livre des Faitz et Ditz héroïques du noble Pantagruel[2].

Non seulement Marguerite de Navarre entretient des rapports indirects avec la société de Lyon, par le moyen de ses familiers, mais elle fait souvent dans cette ville des séjours prolongés qui lui donnent l’occasion de communiquer directement avec les poètes et érudits lyonnais. En 1536, lorsque François Ier reste dès le commencement de mai jusqu’aux premiers jours d’août à Lyon pour vaquer aux préparatifs de la guerre de Provence, Marguerite y rejoint son frère et y passe les mois d’avril, de mai, de juin et de juillet. Nous avons constaté plus haut que le roi fut très clément aux poètes et humanistes lyonnais pendant ce séjour et qu’il ne dédaignait pas de fréquenter les salons des dames de cette ville, célèbres pour leur esprit et leur ascendant littéraire. Il est permis de supposer que sa sœur, qui partageait ses goûts, l’y accompagnait, et c’est probablement de cette époque que datent la plupart des relations, dont nous avons parlé plus haut, entre la reine et la société lyonnaise. Du moins savons-nous avec certitude qu’elle a fait la connaissance de Bonaventure Despériers à cette occasion.

Il est presque certain que Maurice Scève lui fut également présenté pendant ce séjour. Les deux dizains de la Délie qui chantent avec enthousiasme les louanges de Marguerite[3], sont

  1. Christie, Ét. Dolet. p. an, 301.
  2. Abel Lefranc. Le tiers livre de Pantagruel et la querelle des femmes. Revue des Études Rabelaisiennes, tome II. p. i, 78.
  3. Délie, dizains 354 et 355.
    Si le blanc pur est Foy immaculée,
    Et le vert gay est joyeuse Espérance,
    Le rouge ardent par couleur simulée
    De Charité est la signifiance :
    Et si ces trois de diverse substance
    (Chascune en soy) ont vertu spéciale,
    Vertu estant divinement royale.
    Où pourra l’on, selon leur hault mérite
    Les allier en leur puissance égalle
    Sinon en une et seule Marguerite ?